Une newsroom orchestrée par Facebook, vraiment ?

Chacun sait combien pèse, à présent, ce qu'on pourrait appeler "la mécanique sociale" dans le tri, le partage et la circulation de l'information sur la Toile. Que la firme américaine Facebook se soit offert, récemment, trois noms de domaines comportant la mention "Facebook Newsroom" n'est donc pas anodin. Au contraire, il semble que cette (re-)distribution des cartes de l'actualité par les algorithmes de Facebook intéresse les dirigeants du réseau social fondé par Mark Zuckergberg. Pour quel type d'information(s) ?

 

Après Google (dont l'omniprésence n'est pas sans susciter quelques frayeurs aux démocrates vigilants), Facebook. Ce dernier n'a pas pu se payer le nom de domaine le plus intuitif : facebooknewsroom.com. Quelque futé personnage du Kansas s'est déjà installé, l'année dernière, sur le créneau - le malin, penseront les squatteurs d'URL ! C'est donc sur trois autres territoires que se ramifie(ra) le réseau social : Facebook-newsroom.com, Facebook-newsroom.net, et Facebook-newsroom.org.

 

 

Cette stratégie d'expansion bien nommée (vu le poids et le nombre des informations paratgées) se double d'un recrutement récent et signifiant :  le journaliste Vadim Lavrusik a été recruté par la maison - sans qu'on sache pour l'instant ce pour quoi il a été missionné. Rien que ça.


Plutôt que de spéculer sur les façons dont ce dernier pourrait contribuer à repenser l'écosystème d'informations sur le réseau social, il n'est pas inutile de rappeler ce que représente, du point de vue des usages, Facebook. Je reprends les chiffres rassemblés en juin dernier par le journaliste Benoît Raphaël sur son blog bien connu (Social Newsroom) :


- 750 millions de personnes sont actives sur Facebook dans le monde – juillet 2011 (Infos du Net)
- 1 trillion de pages vues par mois – juillet 2011 (DoubleClick)
- 22 millions de Français ont un compte Facebook – juin 2011 (Social Bakers)
- 8% du trafic du Huffington Post provient de Facebook, 6% pour The New-York Times – mai 2010 (Nielsen)
- 2,85% des visiteurs de l’un des 10 principaux sites d’informations américains cliquent sur le bouton “like” ou “share” de Facebook – mai 2010 (Nielsen)
- 300% : c’est l’augmentation moyenne du “referral traffic” d’un site d’information utilisant le bouton “Like”. – mai 2011 (Search Engine Land.com)
- 11 heures par mois, c’est le temps moyen passé sur Facebook – mai 2011 – (Hubspot)
- 54 likes en moyenne par publication sur la page d’une marque mai 2011 – (Hubspot)
- 9 commentaires en moyenne par publication sur la page d’une marque – mai 2011 (Hubspot)
- 26 millions de fans : c’est le record pour une page Facebook de marque, et c’est Coca-Cola  - fin 2010 (Social Bakers)
- 30 millions de contenus sont partagés chaque jour sur Facebook – mai 2011 (up2social)
- 34 ans : l’âge moyen d’un internaute qui clic sur un bouton “Like” d’un site d’information – septembre 2010 (Facebook)
- 38% des partages de liens sur le Web sont l’oeuvre de Facebook – juin 2011 (TechCrunch)
- 70 fois plus d’abonnés à la newsletter que de fans Facebook : c’est le ratio moyen pour une entreprise. – juin 2011 (Silverpop)
- 700.000 nouveaux utilisateurs s’inscrivent chaque jour sur Facebook – 2011 (2 Factory agency)
- N°1 sur la publicité display (bannières) aux Etats-Unis, avec 2,19 milliards de $ de revenus attendus en 2011 (Google : 1,5 milliard) – Juin 2011 (Advertising Age)

 

Chiffres étourdissants. La diffusion et la partage d'informations n'est plus ce qu'ils étaient. Le "monde commun" s'est déplacé, "l'espace public" est régi par tout un ensemble de règles qu'il s'agit de repenser. C'est là qu'il faut aller voir le travail magnifique accompli, au jour le jour, par la Fondation Internet Nouvelle Géneration sur son vecteur de publication favori : Internet Actu.


A cet égard, le dernier article publié par le journaliste Hubert Guillaud fait le point sur ce que nous sommes en droit de penser de l'influence des réseaux sociaux sur nos modes d'appréhension du réel, de l'actualité, de l'information.  La question est ainsi posée : "Les liens faibles, moteurs de notre diversité informationnelle ?"


Je ne vais pas ici retracer les zigs et les zags de sa pensée, nourrie d'études et de réflexions, mais rejoindre sine die la terme de son propos : au fond, si les réseaux sociaux, malgré l'apparente diversité des relations qu'ils autorisent et déploient, restent fondés sur une forme d'homophilie et de clôture sur le même. Grosso modo, on a tous tendance à aller vers ce qu'on connaît. Appétence commune, régime de partage funeste. Je renvoie sur le dernier paragraphe d'Hubert Guillaud : 


“Nos anciens instincts sociaux nous conduisent dans la mauvaise direction, de sorte que nous finissons par être piégés dans une bulle d’homogénéité”.


Et de citer les résultats paradoxaux d'une étude (réalisée par une université américaine) :


“Nos résultats révèlent une ironie : plus la diversité humaine dans un environnement est grande, moins on obtient de diversité personnelle.”


Conclusion du journaliste :


"A moins de construire des stratégies sociales évoluées, il est fort probable que les réseaux sociaux numériques aient les mêmes défauts que les réseaux sociaux réels." 


Si Facebook entre de plain-pied dans le monde de l'information, il faudra suivre la façon dont nous sommes (ou non) susceptibles de rencontrer l'alterité, de tomber sur ce qu'on ne connaît pas, de laisser venir le hasard et, pourquoi pas, de favoriser l'évènement (considéré comme surgissement de l'imprévu dans le cours de l'histoire)

 

Crédit : Image reprise sur le site Mediabistro.com.

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